Al Chetna
4e jour matin
Le levé du soleil au-dessus des nuages, c’est beau, mais ça signifie qu’il va falloir replonger dans le froid et l’humidité, je quitte Nociel à regret et je redescends vers la vallée.
•4e jour soir
Al Chetna
•Aujourd’hui sous un ciel si bas inutile de pêcher en sèche, j’ai tout de même réussi à sortir deux truites de plus de 40 cm. en nymphe, mes premiers poissons de belles tailles, beaucoup d’émotions et grosses montées d’adrénaline !
• A l'heure où le soleil décline derrière les crêtes, je prends soudain conscience que le temps a passé trop vite et que je dois me mettre en marche pour rejoindre Al Chetna. Anna m'y attend . Je redoute d'ailleurs le moment de la rencontre. A travers la brume, j'entends les huit coups feutrés de vingt heures, égrenés là-haut par un carillon niché au dessus des gorges. Je hâte le pas et je découvre enfin le pont. Elle est déjà là. En apercevant sa fine silhouette, je réalise que je ne sais rien d'elle.
A part sa jeunesse et sa belle voix chantante, tout en elle m'est inconnu, comme ce pays où les rivières sont pures et les résidents si chaleureux. Une question d'enfant me vient à l'esprit : a-t-elle seulement déjà eu l'occasion de pêcher ?
Un rapide bonjour presque gêné et elle m'entraîne par le bras, comme pour mieux me guider sur la sente qui accède au village. Nous laissons sur notre droite les vestiges d'une forteresse dont on reconnaît encore quelques tours. L'une d'entre elles surplombe les marches du chemin. On a l'impression qu'elle a été bâtie dans le vide.
« C'était le poste de garde, il y a cinq cents ans, quand le pays vivait sous le joug des seigneurs d'Anastasie. Seuls les habitants avaient le droit d'entrer et de sortir. Les étrangers étaient refoulés. Ceux qui insistaient étaient proprement ligotés et précipités du haut du pont dans les gorges de la Pesca. » Me voyant frémir à son récit puis tordre le cou pour apercevoir le sinistre édifice, Anna m'interpelle joyeusement en me disant que les temps ont bien changé depuis. De raidillons en ruelles, elle me conduit jusqu'à un porche de marbre : là, une petite cour bordée d'ifs, d'un vert sombre parsemé de rouge, avec un table ronde et deux chaises en rotin.
« Nous dormirons ici ce soir, ta chambre est ici et la mienne, c'est la porte bleue de l'autre côté du jardin. »
Une vieille dame au chignon noir est apparue avec un plateau en zinc et nous a servi des pommes de terre au fenouil et des beignets à la poire. Puis, elle apporta une cruche en pierre où nageaient deux tranches de citron. J'ai passé une heure merveilleuse : était-ce la conjugaison des bienfaits de ce lieu, l'eau fraîche, le repas doucement salé et sucré, la présence d'Anna ou le sentiment d'un projet accompli après cette longue journée au cœur d'une contrée inexplorée ?
Nous n'avons que très peu dormi. La discussion fut passionnante. Anna est vraiment un personnage hors du commun. Elle a beaucoup d'humour et nous avons ri sans retenue.
Elle est étudiante en Arts Plastiques et quand je lui ai montré les esquisses réalisées depuis mon arrivée en Anglerie, elle les a regardées avec intérêt mais n'a pas fait de commentaire. Elle m'a expliqué ensuite qu'ici l'Art majeur était la sculpture et que l'unique thème admis par l'Académie était la représentation de la sphère.
« La sphère, vois-tu, c'est le symbole du visage humain, de la terre, de l'atome et de l'univers entier. Toutes les œuvres sont exposées à l'endroit même où elles sont créées, la plupart du temps en pleine nature »
• C’est La Pesca qui sépare la ville ancienne de la ville neuve. Le pont est très ancien mais ses fondations sont très solides et même les terribles crues… (illisible)… éternels . La ville neuve, quant à elle a le charme de ces petites villes bourgeoises de province, on aimerait pouvoir s’y arrêter, s’y reposer, mais on sait … (illisible) … piège d’un confort trop facile.
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